Enterre-moi, mon amour

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Vesperia
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Enterre-moi, mon amour

Message par Vesperia »

Enterre-moi, mon amour est un jeu vidéo issu d’une collaboration entre The Pixel Hunt, Figs, et Arte France. Édité par Playdius, le titre est d’abord sorti sur Android et iOS le 26 octobre 2018, avant d’arriver sur Switch et PC le 10 janvier 2019. L’occasion pour ConsoleFun de se pencher sur cette expérience narrative pas comme les autres !



 

 

 

L’écriture au service de la vraisemblance

 

 

Enterre-moi, mon amour nous fait suivre le parcours de Nour, une syrienne tentant de fuir son pays pour rejoindre l’Allemagne et y obtenir un droit de séjour. Nous n’incarnons pas Nour pour autant, mais Majd, son mari resté en Syrie, et l’ensemble du jeu se présente donc sous la forme d’un fil de discussion instantanée. On influe alors sur l’histoire en faisant des choix dans certaines des réponses de Majd à Nour, allant de simples banalités à des conseils cruciaux pour la suite des événements. Ainsi, le jeu mise évidemment sur la qualité de son écriture, puisque tout le propos passe directement par là.

 

Enterre-moi, mon amour est avant tout un long travail de documentation. Pour cela, le scénariste a notamment échangé tout au long de l’écriture du jeu avec Dana, une jeune syrienne ayant fui la guerre et vivant désormais en Allemagne. Le jeu est ainsi fortement inspiré de son histoire, mais pas seulement : il n’était pas question de raconter uniquement l’histoire de Dana, mais de faire vivre plusieurs histoires, chacune avec son lot de problèmes pouvant être rencontrés par les réfugiés.



Le moral de Nour est souvent mis à rude épreuve.

 

Beaucoup d’informations ont alors été rassemblées dans des articles de presse (libre d’accès et payants), vérifiées auprès des journalistes, vues sous un nouvel angle auprès d’autres consultants, avant de passer à la phase d’écriture véritable, elle aussi très exigeante.

En effet, l’accent est mis sur le réalisme dans le fil de discussion. Ainsi, tout ne vous sera pas forcément expliqué : Nour parle parfois d’un sujet, mais n’explique pas en détails ou passe même sous silence certains éléments. A l’inverse, des éléments moins importants font parfois l’objet d’un long échange, rendant plus crédible la discussion : la vie est remplie de toutes ces petites choses futiles sur lesquels on s’attarde bien plus que de raison. De plus, les personnages ont des défauts. Nour a ainsi tendance à beaucoup mentir (même si le joueur ne s’en aperçoit pas toujours), et Majd se montre souvent jaloux.

 

Vous l’aurez compris, l’écriture puise sa force dans sa particularité : pour une histoire qui n’est que textuelle, l’écriture n’est pas dévouée à la narration, mais plutôt à la pertinence et au réalisme des histoires racontées. La narration passe alors par de petits détails plus que par de l’action concrète, tels qu’une musique symbolique entendue par Nour à son arrivée en Autriche par exemple. Enfin, l’écriture inclue des petits accidents du quotidien : une erreur de saisie sur le clavier de son téléphone provoque le plus mignon running-gag du jeu, où les personnages se disent « Courge » au lieu de « Courage » lors des moments difficiles.



Majd est un historien passionné, qui adore partager ses connaissances avec Nour dès que celle-ci se plaint de s’ennuyer.

 

 

Une expérience humaine et intime

 

 

Là où dans beaucoup de jeux vidéo il est question de sauver le monde, ou de vivre des destinées exceptionnelles, Enterre-moi, mon amour prend le contrepied de ce ressort narratif. En effet, le titre nous plonge dans une situation bien loin des récits épiques et fictionnels classiques, qui n’en est pas moins exceptionnelle pour autant, à la différence près qu’elle constitue une réalité dure et toujours d’actualité. Ici, pas question de sauver le monde ou de changer les choses à grande échelle : il s’agit uniquement de guider au mieux Nour pour qu’elle atteigne son objectif, en préservant la complicité du couple au fil des jours qui passent. Un défi largement suffisant au vu des péripéties à surmener.



Nour et Majd chérissent les rares moments de calme au cours de l’aventure.

 

Là encore, c’est l’écriture qui fait tout : la vraisemblance dans les interactions entre Nour et Majd forment le fil rouge de l’aventure, impactant toujours les différents choix de Nour, et donc son parcours. Plus que ce qui se passe autour de Nour, c’est cette relation aussi simple que complexe entre Nour et Majd qui définit l’expérience de jeu, en plongeant le joueur dans ce rapport humain intime et on ne peut plus touchant. Grâce aux divers embranchements scénaristiques, on vit à travers Nour et Majd le parcours de nombreux réfugiés.

 

Et si bien sûr le tout fait ressortir de nombreux enjeux politiques, le ton du jeu est toujours très bien dosé et rien de tout ça ne semble forcé ou trop appuyé. Qu’il s’agisse de la xénophobie, des violences policières, des frontières ouvertes ou fermées, ou encore des rapports aux ONGs, le jeu n’indique jamais ce qui est bien ou mal, mais montre seulement les conséquences de telle ou telle situation, laissant le joueur se faire son propre avis sur ce à quoi il assiste.



L’espace Schengen, où l’on peut passer librement les frontières sans contrôle, fait partie des enjeux politiques évoqués par Majd lors du périple de Nour.

 

 

Des lacunes en tant que jeu vidéo

 

 

 

S’il y a un seul point où Enterre-moi, mon amour perd en efficacité, c’est dans ce qui fait de lui un jeu vidéo. En effet, le titre manque de fonctionnalités propres au média vidéoludique, qui auraient pu renforcer et prolonger l’expérience de jeu. Avec ses 19 fins possibles, il est par exemple dommage de ne pas avoir d’arbre scénaristique (flowchart) permettant de revenir à des endroits clés où les événements divergent. Ici, la mécanique dessert les efforts réalisés sur l’écriture, puisque si l’on aura tendance à vouloir obtenir la bonne fin du jeu, il n’y aura rien de surprenant à abandonner cet objectif au bout de quelques mauvaises fins consécutives, d’autant plus qu’elles apportent un lot suffisant d’émotions.

 

Malgré une petite durée de vie (trois à quatre heures environ pour arriver à une fin), refaire le jeu n’est pas très engageant : impossible de passer les discussions déjà lues, et hors de question de repartir d’un moment clé dans les événements. Ce qui est dommage, tant Enterre-moi, mon amour brille par les multiples parcours qu’il propose. Ajoutez à cela quelques crash dans la version Switch, dont certains forçant à reprendre le jeu du début, et vous comprendrez que s’engager sur plusieurs fins peut vite être irritant.

 

Enfin, on se retrouve naturellement moins impliqué dans la version Switch du jeu, celle-ci ne disposant pas du mode de jeu en temps réel. Sur mobile, le jeu envoie des notifications push à chaque fois que Nour envoie un message, et lorsqu’il se passe un moment sans discussion, le joueur se retrouve, à l’instar de Majd, dans l’attente. Cette mécanique renforce l’immersion dans le jeu, rendant même des attentes de quelques minutes insupportablement longues. De même, y jouer sur un téléphone est plus immersif, puisque le jeu reprend une interface de messagerie instantanée sur mobile. Un élément retranscrit au mieux sur Switch, avec la possibilité de mettre le jeu en écran vertical, le tout profitant du tactile.



Le mode portrait renforce l'immersion dans l'application de messagerie instantanée.

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