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[Interview] Belzifer, un artiste et compositeur passionné !

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Alors que le confinement a fermé de nombreuses portes, ConsoleFun.FR a eu l'occasion d'en ouvrir une menant à l'univers de Belzifer, un artiste contemporain adorant le jeu vidéo – et particulièrement la série NieR – que nous avons eu le plaisir d'interviewer. L'entrevue s'est déroulée sur plusieurs jours durant le premier mois de confinement à cause des conditions imposées par les événements ainsi que par le labeur de Belzifer qui, depuis, a sorti déjà plusieurs titres musicaux.

Le compositeur nous dévoile son processus créatif et ses projets futurs et nous parle de ses passions et de son intérêt pour l'art et le jeu vidéo... Un échange fascinant que nous vous laissons découvrir sans plus tarder dans son intégralité !

 

 


Greed : Commençons par le commencement : peux-tu te présenter à nos lecteurs ?


Belzifer : Je me prénomme Ferat, j'ai 23 ans et je suis de Strasbourg.
Musicien dans l'âme, je partage mes créations musicales sur internet depuis ma tendre adolescence. Peut-être m'avez-vous déjà croisé par mon nom d'artiste : Belzifer !

 


G : Tu peux nous raconter comment t'est venue cette passion pour la musique ?


B : C'est une très longue histoire... Je vais essayer de ne pas rendre ça trop ennuyant.
J'étais encore très jeune à l'époque et j'avais quelques difficultés d'intégration dans mon collège. Pour m'évader de ce quotidien qui ne me convenait pas, j'écoutais énormément la bande-son du jeu vidéo NieR : Gestalt. Même avec son introduction plutôt surprenante, je n'étais absolument pas intéressé par l'univers du jeu (en effet, l'introduction du jeu commence par un lot d'insultes et de grossièretés – NDLR)..!
Cependant, sa bande-son, elle, a titillé ma curiosité... Je crois que les musiques de ce jeu ont réveillé le musicien qui sommeillait en moi. Je me rappelle avoir téléchargé l'OST complète du jeu que j'avais transférée sur ma PSP afin de pouvoir l'écouter au collège. J'étais absorbé, captivé... Émerveillé surtout.

"Grandma" est une chanson qui me tient très à cœur. Elle m'a beaucoup aidé durant cette période très difficile et je m'imaginais jouer le piano en l'écoutant.
C'est toujours en écoutant cette chanson que je me suis promis de devenir un artiste, un compositeur de musiques de jeu vidéo.
Suite à cela, j'ai convaincu mes parents d'acheter un piano... Et je me suis mis à la musique !

 


G : Qu'est-ce qui t'a hypnotisé dans les compositions de MONACA ?
(MONACA est un studio de production musicale créé par Keiichi Okabe ayant produit les musiques de nombreux jeux de Taro Yoko, à savoir NieR, NieR : Automata, Drakengard 3, SINoALICE... – NDLR)


B : C’est une très bonne question ! Je me suis toujours demandé pourquoi j’aimais tant les musiques de MONACA. Je crois que la réponse est finalement assez simple : elles sont très bien produites et le studio est composé de musiciens tous extrêmement talentueux.
J’apprécie tout particulièrement les chœurs, facilement reconnaissables et toujours aussi poignants, que ce soit dans les compositions douces où celles qui sont plus percutantes. Je pense notamment à "Shadowlord" de NieR et à "Prelude of Showdown" du jeu mobile SINoALICE, qui dégagent toutes deux beaucoup de sensibilité et de douceur malgré leurs fortes percussions.

Toutes les compositions de MONACA parviennent à transmettre de très grandes émotions et procurent toutes un sentiment d’authenticité et d’amour pour la musique.
De plus, les compositions du studio sont facilement reconnaissables ; ils sont parvenus à créer leurs propres univers malgré la panoplie de compositeurs travaillant pour le studio. Et ce qui est encore plus impressionnant, c’est qu’ils réussissent à se renouveler et à innover pour chacun de leurs projets tout en gardant cet univers qui leur est propre.
C’est réellement cela qui me fascine chez MONACA et c’est ce qui m’inspire au quotidien en tant qu’artiste.
Je pense notamment à la sublime "A Girl’s Wish" composée par Keigo Hoashi pour l’anime Washio Sumi is a Hero, ou encore au méconnu drama japonais Mayonaka no panya san et son fabuleux thème principal au piano chanté par Emi Evans. Deux chansons douces et poignantes, mais pourtant si différentes dans leur démarche.

 


"Les apparences sont souvent trompeuses", un proverbe qui convient parfaitement à NieR.

 


G : En parlant d'Emi Evans, tu as pu collaborer avec elle pour l'une de tes dernières compositions, "Designed to End". Tu peux nous raconter comment vous vous êtes contactés ?


B : Travailler avec Emiko a toujours été l’un de mes plus grands rêves. Cette artiste, en créant le "chaos language" (une langue inventée par Emi Evans et premièrement utilisée dans les chansons de NieR – NDLR), a bercé mon adolescence et a réellement changé ma vision de la musique. C’est incroyable de se dire que j’ai pu collaborer avec Emi qui a littéralement donnée naissance à mon univers musical par son talent. Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à réaliser que j’ai eu cette opportunité.

Cette chance, je l’ai eu grâce à Scarlet Moon, le label de musique derrière de grands artistes de jeu vidéo tels que Norihiko Hibino, Hitoshi Sakimoto ou encore Emi. J’ai vu par hasard une de leurs annonces sur Twitter stipulant qu’Emi était disponible pour participer à tous types de projets liés au jeu vidéo. Au premier abord, je me suis dit qu’il m'était impossible de travailler avec elle puisque ma musique n’est liée à aucun projet concret et qu’il s’agit seulement pour moi de partager à travers des mélodies mon vécu et mon ressenti sur la vie.

J’ai tout de même pris mon courage à deux mains et j’ai contacté Scarlet Moon. Recevoir une réponse favorable et aussi bienveillante de leur part m’a littéralement comblé de bonheur. Je n’en croyais pas mes yeux et je n’ai pas pu répondre le jour même – j'étais bouleversé.
Ce label est dirigé par Jayson Napolitano. Il m’a accompagné durant tout le processus de ma collaboration avec Emi. Sans lui, rien de cela n’aurait été possible, je lui en suis extrêmement reconnaissant. Il a su trouver les mots pour me rassurer et me confirmer que cette collaboration était une très bonne nouvelle pour moi ainsi que pour Emi.
Nous avons ensuite travaillé plus de trois mois ensemble pour concevoir "Designed to End". C’était fabuleux. Je n’oublierai jamais ces échanges, le professionnalisme d'Emi ainsi que son talent absolument divin.

 


G : Et comment s'est déroulé l'enregistrement de "Designed to End" ? La présence d'Emi a beaucoup changé tes habitudes ?


B : L’enregistrement de la chanson s’est très bien déroulé. Je lui ai envoyé l’instrumental complet, puis nous avons discuté de mes objectifs pour cette chanson. Il était important pour moi qu’Emi puisse comprendre mon univers afin d’y intégrer sa patte personnelle, mais avant toute chose, je souhaitais qu’Emi puisse exprimer ses émotions, son ressenti et son imaginaire. Il n’était pas question pour moi de donner des directives précises mais de la laisser complètement libre. C’est la raison pour laquelle je n’ai partagé que très peu d’informations concernant "Designed to End", à part qu’il s’agissait d’une chanson de remerciement et d’amour pour les personnes qui m’ont inspirées – notamment dans le milieu du jeu vidéo. Je me rappelle avoir exactement envoyé cela à Jayson Napolitano de Scarlet Moon :

« Designed to End is a love letter for people that inspired me in the video game industry, such as Emi Evans » ("Designed to End est une lettre d'amour pour les personnes qui m'ont inspirées dans l'industrie du jeu vidéo, comme Emi Evans").

 

Je lui ai fait parvenir une mélodie voix, mais ici encore elle pouvait transformer la mélodie à sa guise. Je pense lui avoir laissé une très grande liberté d’interprétation.
En toute honnêteté, j’étais un peu hésitant à lui envoyer cette mélodie voix tant elle était difficile et complexe à chanter. Je ne voulais en aucun cas lui rajouter trop de difficultés, c’est la raison pour laquelle je l'ai autorisée à la changer et à l'interpréter à sa manière. Et bon sang, si j’allais m’attendre à un résultat aussi bluffant !

Emi m’a en effet envoyé une première démo… J’ai été réellement ému en l’écoutant. Non seulement mon rêve de travailler avec cette artiste se concrétisait enfin, mais en plus de cela, le rendu était absolument divin.
En écoutant la démo de "Designed to End", j’ai compris que cette chanson ne pouvait être chantée que par une seule personne : Emi Evans. J’ai aussi beaucoup apprécié de constater qu’Emi prenait cette chanson très au sérieux, en me demandant notamment quelques légères modifications sur l’instrumental afin que sa voix colle parfaitement à la mélodie.

Je pense que le résultat final est parfait. Parfait puisqu’il ne s’agit pas d’une simple chanson venant de moi, mais d’une réelle collaboration entre deux artistes. Deux univers qui se croisent, se confondent et se mélangent.
La beauté de "Designed to End" est le fruit d’un échange entre deux artistes qui ne se connaissent pas, qui ne se sont jamais croisés, mais qui partagent tout deux un point commun : la saga NieR qui a changée leur vie. C’est en tout cas la manière dont je l’interprète.

 

Pour répondre à la deuxième question, cela a légèrement changé mes habitudes. Pas forcément dans la conception de la chanson, mais dans l’émotion. J’ai réalisé un rêve, alors forcément, les larmes de joie se montrent un peu plus que pour n’importe quel autre projet !

 

 

 

G : Tu aimerais réitérer l'expérience (avec Emi ou un autre artiste) ?


B : Oui, vraiment ! Je travaille en ce moment sur une chanson qui change de mes habitudes et j’ai contacté une autre personnalité liée au monde du jeu vidéo ; nous sommes en train de discuter pour une éventuelle collaboration, je préfère donc ne rien dévoiler pour le moment. Il y a également d’autres artistes avec qui j’aimerais vraiment travailler. Nous verrons ce que l’avenir me réserve !

Concernant Emi, collaborer une nouvelle fois avec elle serait un honneur. Si j’ai une autre idée de chanson qui pourrait coller avec sa voix, je la recontacterais avec plaisir.

 


G : Je rebondis sur ce que tu as dit tout à l'heure à propos de tes mélodies, comme quoi tu partages ton vécu et ton ressenti sur la vie via la musique. Tu peux nous en dire un peu plus à ce sujet ?


B : Je suis une personne qui a énormément de difficultés à comprendre ses émotions et à les expliquer à son entourage par le biais des mots. La musique m’aide énormément au quotidien, elle en est même thérapeutique. Elle montre qui je suis vraiment, sans filtre ni artifice. Lorsque je suis au piano, je me mets à nu : il n’y a plus de masque. Je ne dis pas que je suis une personne fausse au quotidien, mais je suis de nature assez pudique lorsqu’il s’agit de partager ses émotions. La musique m’aide à me sentir mieux, à lâcher prise, à dévoiler mes qualités mais également tous mes vices, mes douleurs, mes inquiétudes. Elle m’aide également à donner forme à des souvenirs et à des images que j’ai en tête, qui me blessent et me hantent encore aujourd'hui. Elle donne vie et sens à des émotions au départ confuses et sans repère.

 


G : En écriture, on conseille souvent à l'auteur, amateur ou non, de ne pas laisser ses sentiments ou ses émotions prendre le dessus lors de la rédaction afin d'élargir sa vision et de donner une personnalité propre à l'œuvre – on y insuffle ainsi plus de vie et de cohérence.
Est-ce pareil dans le domaine de la musique ? As-tu parfois l'impression d'être mené à la baguette et de n'être que l'instrument de tes sentiments ?


B : C’est une question très intéressante. J’avais eu une très bonne discussion sur l’écriture et la musique avec un ami que je connais sur les réseaux depuis maintenant de nombreuses années. Nous avions discuté de nos méthodes de travail et de la manière dont nous essayons chaque jour de transmettre un peu de nous-mêmes dans nos œuvres tout en restant cohérent dans notre démarche.

Je pense que tout domaine artistique a les mêmes questionnements et je ne pourrais pas donner de réponse exacte ici, étant donné que je ne la connais pas et que je la recherche toujours.
Je suis sans arrêt sous le contrôle de mes émotions que je tente de comprendre par le biais de la musique, mais je recherche également à communiquer avec le public et à le comprendre lui aussi. J’ai beaucoup évolué en ce sens. Au départ, il m’arrivait de composer des mélodies assez étranges qui comptaient beaucoup pour moi mais qui ne parvenaient pas à se faire écouter ; j’agissais d’une manière assez égoïste et je n’allais pas plus loin dans ma réflexion : si la composition comptait pour moi, alors elle devait forcément plaire, sinon tant pis, c’est que l’on ne me comprenait pas.

 

Je pense avoir changé de ce côté-là. Pour moi, la musique est désormais un vecteur de communication : elle est toujours profonde, elle vient toujours de moi et surtout, elle permet d’entamer une communication – un échange. Et pour cela, je dois travailler sans arrêt sur ma musique et mon public, je dois faire en sorte que la communication passe entre lui et moi. Lorsque je dévoile une nouvelle chanson, j’examine les remarques, les émotions qu’elle procure. Si rien n’en sort, si le public ne comprend pas ou ne ressent rien, alors j’ai échoué. Dans le cas contraire, j’ai réussi et cela donne lieu à de beaux moments.

Alors certes, je suis sous le contrôle de mes émotions et je suis à nu lorsque je compose, et c’est important afin de produire des œuvres authentiques, mais je ne pense pas être mené à la baguette par celles-ci puisque justement, je tente de créer cet échange si important pour moi. Et pour cela, je dois contrôler ces émotions, les transformer. Je pense que c’est la même chose pour l’écriture !

En tant qu’artiste, je trouve qu’il est important d’utiliser notre talent à de bonnes fins. Lorsque je lis des commentaires de remerciements, mon cœur est comblé de bonheur. Je me sens utile, je parviens à entrer dans la vie des autres et je les aide à passer un bon moment.
 

 

G : Pourrais-tu nous décrire ta musique avec tes propres mots ?


B : J’écoute beaucoup de musiques classiques et ma musique s’en inspire grandement tout en étant unique. Si on doit absolument la qualifier d’un genre musical, je pense qu’elle se rapproche le plus de la musique classique contemporaine. Mais je n’aime pas mettre la musique dans des cases, surtout aujourd’hui où le mélange des genres est bien plus accepté et écouté.

Globalement, elle est très mélancolique et donne vie à ce sentiment de vague à l’âme, de profonde nostalgie, de souvenirs flous que je ne parviens pas à décrire. Parfois, je compose aussi des musiques purement d’ambiance, avec des pads et des éléments naturels (des bruits de vent, de pluie, ou des oiseaux qui chantent, des personnes qui discutent...).
J’aime toujours rajouter des éléments naturels dans ma musique ; dans "Je rêve souvent de toi, maman" par exemple, le doux son du piano se mélange avec le bruit des vagues. Ça stimule l’imaginaire et ça permet de voyager un peu hors du temps et de l’espace. C’est ce que je recherche en composant.

 


G : Aimerais-tu faire une "Sonate des trilles du Diable" ou au contraire, cela t'effraierait-il ?
(Il s'agit d'une sonate pour violon composée par Giuseppe Tartini après avoir entendu le Diable en personne jouer dans son rêve ; il n'a jamais réussi à capter l'essence de la musique du Diable et a abandonné le violon suite à cet échec NDLR)


B : Je ne m’attendais vraiment pas à cette question !
Je crois que cela m’effraierait un peu, même si je suis déjà un peu passé par là en rêvant d'une pièce au piano. Cependant, j’avais très vite oublié la mélodie quelques minutes après le réveil ! Et surtout, le diable n’était pas présent..!

Je pense que cela a du être frustrant pour Giuseppe de vivre un rêve aussi puissant dans lequel il entend une mélodie aussi belle et divine... Mais qui reste impossible à retranscrire dans la réalité.
Je crois que je peux me passer de cette frustration. Mais en même temps, il y a un côté mystérieux, comme un défi impossible à réaliser en tant que musicien qui rend le tout inspirant et captivant.

Au final, je suis mitigé... Je vous tiens au courant si j’ai une expérience similaire à l’avenir ! *rires*

 


G : Je ne m'attendais pas non plus à te poser cette question à l'origine, je me suis réveillé avec l'envie de te la poser tant elle me semblait pertinente... Le Diable me l'a peut-être formulée dans l'oreille durant mon sommeil, qui sait !


B : *rires* J’avoue que c’était une question très originale, mais j’ai pris plaisir à y répondre !

 


Pochette de "Code 6", un album qui réunit sentiments sincères et instruments dits classiques.

 


G : Reprenons ! La situation actuelle due au Covid-19 t'inspire-t-elle ?


B : C’est une situation qui m’inquiète beaucoup mais elle m’inspire évidemment en tant qu’artiste. Je suis l’actualité tous les jours et de très près, d’autant plus qu’un membre de ma famille a particulièrement été touché par le virus. J’ai écris une pièce assez sombre sur ce sujet mais je n’ai pas osé la partager, je ne veux pas que l’on considère que je me sers de ce drame pour promouvoir ma musique. Alors, je la garde de côté.

 


G : Courage à toi et à ta famille pour cette épreuve.
Penses-tu avoir encore beaucoup de chemin à parcourir dans le milieu musical ? Vers quelle(s) voie(s) souhaiterais-tu mener ton style pour le faire évoluer ?


B : Je pense que je ne suis qu’au début d’un long et grand voyage musical. Lorsque j’écoute mes premières chansons, je me rends compte à quel point j’ai changé dans ma manière de composer.

Actuellement, je travaille sur mon troisième album : "Belzifer X". Il est bien plus sombre et percutant que mes deux premiers et s’inspire directement des artistes qui ont bercés mon enfance comme Akira Yamaoka, connu pour son travail sur la série de jeux vidéo Silent Hill.
Ma musique a changé d’une manière folle récemment et je suis tout excité à l’idée de partager ce que je prépare. Il y a de belles surprises qui arrivent, et même si cet album me demande beaucoup de temps et d’investissement, je pense qu’il va réellement surprendre les personnes qui m’écoutent régulièrement.

C’est pour le moment un album très noir qui traite de sujets assez sombres, parfois violents, mais il le fait d’une manière élégante. Il mélange un style classique tout en y intégrant une ambiance plus moderne. Je suis très fier de cet album, il compte beaucoup pour moi. Mais je préfère rassurer : il y a toujours des instruments classiques sur certaines chansons et cette mélancolie qui m’est si chère, mais on sent une réelle évolution dans le style musical.
Évidemment, il n’est pas parfait mais je trouve que, justement, ses imperfections lui donnent un certain charme. À l’heure où j’écris ces lignes, l’album est toujours en chantier, mais j’espère de tout cœur qu’il plaira.

 

Pour répondre plus directement à la deuxième question, j’espère évoluer sur un style encore plus percutant tout en gardant cette douceur et cette mélancolie qui sont importantes à mes yeux et qui caractérisent ma musique.

 


G : Tu dis apprécier la musique classique, tu aimerais rendre tes compositions plus percutantes encore et ton prochain album traitera de sujets sombres et violents... Je ne peux m'empêcher de demander : en tant qu'artiste et fan de NieR, que penses-tu du travail de Nabuyoshi Sano et de Takayuki Aihara sur les musiques de Drakengard ?
(Spin-off de la série Drakengard, NieR est la suite de l'une des nombreuses fins du premier opus. Taro Yoko, papa des deux séries, estimait d'ailleurs NieR comme étant le véritable Drakengard 3 à sa sortie – NDLR)


B : Comme beaucoup, j’ai pu découvrir Drakengard après avoir joué à NieR. Je me suis penché tout d’abord sur le troisième épisode que j’ai apprécié malgré ses défauts techniques. Je dois avouer que je me suis réellement intéressé à cette série et à son premier épisode bien plus tard.

Plus que la musique, ce sont les thématiques sombres et dérangeantes qui m’ont énormément inspirées. Le premier jeu est un réel voyage en enfer, avec des personnages étranges qui sortent du cadre habituel que l’on peut voir dans les jeux vidéo.
Les musiques accompagnent le jeu et sa folie. Souvent anxieuses, violentes voire même dérangeantes, elles font cœur avec cette atmosphère provocante qui donne à Drakengard un charme unique.

En fait, lorsque j’ai joué à Drakengard 1, j’avais l’impression de faire quelque chose de mal. Comme si j’avançais dans un jeu immoral et interdit. Je me questionnais moi-même en tant que joueur : pourquoi est-ce que cette aura étrange et perturbante m’attire autant ? Ces questionnements ont évidemment été une source d’inspiration pour moi.

Et je ne peux terminer ma réponse sans évoquer "Growing Wings" de Nabuyoshi Sano. Une chanson fabuleuse, avec des violons vifs et percutants accompagnés d’une douce voix enivrante.

On reproche souvent à Drakengard sa répétitivité concernant sa musique. Je trouve au contraire qu’il s’agit de sa plus grande qualité puisqu’elle ne fait qu’un avec la thématique principal du jeu : la guerre, elle même répétitive, où l’on tue pour tuer. Drakengard a donc définitivement été une source d’inspiration, mais ce n’est pas que sa musique, c’est l’ensemble de l’expérience qui m’a touché.

 


G : T'es-tu ou aimerais-tu te lancer dans d'autres domaines artistiques ?


B : Pendant mon temps libre, je fais beaucoup de photographie. Cela me sert parfois de pochette de single ou d’album.

Mais ce qui est nouveau pour moi, c’est le cinéma. C’est un art qui rassemble ma passion pour l’image et la musique. Je me suis lancé dedans il y a 3 ans en entamant des études de cinéma et en réalisant un documentaire, un long métrage nommé L’Oubli de Soi, qui traite des maladies psychiques et mentales et plus particulièrement de la dépression (lien en fin d'article – NDLR).
Ce film a été projeté au cinéma à Strasbourg. La première séance a été accompagnée d’un débat avec Valérie Joubert, une psychologue présente dans la salle pour répondre aux questions des spectateurs. Je l'ai contactée et invitée moi-même afin que le débat puisse se dérouler d’une manière plus professionnelle avec des réponses aux questions les plus délicates. C’était un réel plaisir pour moi de parler de mon art, qu’il soit pictural ou musical, avec le public. Même si le film comporte beaucoup d’erreurs (il s’agit de mon premier), il a eu un bel accueil avec 80 personnes présentes lors de la première projection.

Je travaille actuellement sur un deuxième film, cette fois-ci interactif, où le public lui-même pourra décider de son dénouement. Je compte le sortir l’année prochaine, et il sera lui aussi projeté à Strasbourg, et pourquoi pas autre part si la chance me sourit.

 

 


G : Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce prochain film ou préfères-tu garder tout ça secret pour le moment ?


B : Le deuxième film en est vraiment à ses début, mais il s’agira ici d’un film fictif (avec quelques éléments issus du documentaire). Il sera expérimental et jouera énormément sur les ombres. Mais son plus gros point, c’est réellement la notion d’interaction avec le public.
Pour aller plus loin, je souhaite même que la billetterie soit disponible seulement pour les personnes ayant réussi un ARG (jeu en réalité alternée – NDLR) au préalable sur internet. J’insiste vraiment sur la notion d’interaction, que le spectateur se sente concerné par le récit et qu’il en prenne peur.

Je ne peux pas en dire plus concernant le scénario puisqu’il change tous les jours, mais si vous aimez les ambiances très horrifiques voire même assez déstabilisantes (autant au son qu’à l’image), vous allez apprécier !

 


G : En constatant le nombre important de tes projets, même avec beaucoup de passion, ton labeur doit être épuisant. Qu'est-ce qui te maintient éveillé et te donne envie de continuer à produire et à concrétiser tes projets ?


B : C’est en effet très difficile, surtout lorsqu’on est seul. Je ne compte même plus le nombre de nuits blanches à travailler sur mes projets..!
Il y a cependant un côté addictif à la création qui me pousse à continuer, à créer sans arrêt chaque jour. Et puis, on ressent également un grand sentiment de satisfaction une fois qu’on a terminé l’œuvre sur laquelle on travaillait depuis des jours, voire des mois !
De plus, maintenant que j’ai une petite communauté, je me sens obligé de continuer à produire (surtout musicalement).

Il s’agit d’une passion, mais également d’un devoir.

Je me dois de partager de nouvelles œuvres et de m’améliorer constamment pour toutes ces personnes qui écoutent ma musique au quotidien. Lorsque je reçois des messages de soutien et d’amour pour ma musique, je sais réellement pourquoi je suis artiste. Je peux avoir un impact, aussi minime soit-il, sur la vie d’autrui et ça, ça n’a pas de prix et ça vaut les nuits blanches à travailler !

 


G : Si tu devais donner des conseils à de jeunes artistes qui souhaitent se lancer, quels seraient-ils ?


B : De rester soi-même et de trouver son public.
J’ai longtemps hésité à changer de style de musique pour "plaire à la masse"... Cela a toujours été un échec.
Combien de fois m’a-t-on déclaré que ma musique était "trop triste", "trop douce", "calme mais ennuyeuse"... Au départ, j’en prenais compte, j’avais même honte de ce que je produisais. Mais en réalité, je partageais ma musique à un public qui n’était pas concerné par mon univers et mon style musical.

Rester soi-même, créer une aura authentique, composer une mélodie qui évoque des souvenirs enfouis – c’est l’unique méthode pour donner un sens à sa musique. J’ai perdu trop de temps à l’époque où, insouciant, j’ai voulu plaire à un entourage qui n’écoutait pas le genre de musique que je produisais.
Tout à changé le jour où, toujours en produisant des compositions dans le même style, j’ai réussi à trouver le public qui me comprenait vraiment. C’est extrêmement difficile, notamment au début lorsque le nombre d’écoutes reste très faible... Mais il faut persévérer !

Posez-vous ces questions : ce que je fais a-t-il un sens pour moi ? Est-ce que je tiens à ma musique ? Est-ce qu’elle est sincère ? Est-ce que je l’aime ?
Si la réponse est oui à chacune d'entre elles, alors elle touchera forcément d’autres personnes ; et même si cela prend beaucoup de temps, ce public ne peut que progresser et grandir.

 


G : Retournons du côté des jeux vidéo avant de conclure notre entrevue. Même si la réponse semble plutôt évidente maintenant que nous te connaissons mieux, quel est ton jeu préféré ?


B : C’est une question à la fois facile et difficile. Je pense qu’il s’agit de NieR : Gestalt pour tout ce qu’il a changé dans ma vie.
Mais sinon, il y a d’autres jeux qui ont eu un impact sur mon art et la personne que je suis aujourd’hui comme The Path de Tale of Tales, une expérience à vivre si vous aimez les univers horrifiques et les jeux où l’art est à son paroxysme ; l’incroyable point & click Sanitarium qui est encore aujourd’hui une source d’inspiration pour moi, avec une histoire et une écriture à couper le souffle ; ou bien encore Journey pour la beauté de ses paysages et sa musique – splendide.
Mention spéciale pour Dracula sur PS1 qui ne comporte que très peu de musiques mais où le sound design est à tomber pour l’époque – un jeu avec beaucoup de charme malgré ses défauts.

Évidemment, je ne peux pas finir de répondre à cette question sans évoquer des séries de jeux vidéo qui ont bercées mon enfance comme Final Fantasy, Parasite Eve, Dino Crisis, Resident Evil ou Silent Hill. Il y a beaucoup d’autres jeux que j’aime beaucoup, mais ce sont les premiers qui me viennent à l’esprit !

 


G : Et quel est ton jeu du moment ?


B : Final Fantasy VII Remake ! Quel plaisir de retrouver les personnages de son enfance avec une si belle qualité graphique et un gameplay aussi nerveux ! À côté de ça, je joue aussi à Overwatch lorsque j’ai envie de faire le vide dans ma tête !

 


G : Et celui (ou ceux) que tu attends le plus ?


B : J’attends le remaster de NieR avec grande impatience ! Rejouer à ce jeu qui me tient tellement à cœur avec des graphismes remis au goût du jour et une bande-son réorchestrée me paraît surréaliste encore aujourd’hui. J’ai vraiment hâte de voir ce qu’a concocté Taro Yoko et son équipe, mais je me fais aucun soucis sur la qualité du titre, l’original étant captivant.
Le jeu mobile NieR Re[in]carnation attise aussi ma curiosité, surtout qu’il me fait penser à Journey dans sa direction artistique.

Ces deux titres restent encore bien mystérieux. Il me tarde d’en savoir plus !

Sinon, j’ai hâte de voir les nouveaux Final Fantasy en développement. Une annonce qui me rendrait heureux serait une suite ou un remake de Parasite Eve et/ou Dino Crisis.

 


NieR Re[in]carnation, le prochain jeu mobile griffé Taro Yoko, est entouré d'une aura mystérieuse et fascinante.

 


G : Comment vois-tu l'avenir du jeu vidéo ? Penses-tu qu'il y ait encore beaucoup de voies à creuser et à explorer ?


B : C’est une question difficile ! Je vois le jeu vidéo devenir encore plus créatif, notamment du côté des studios indépendants qui font un boulot formidable ! Ils ne cessent de casser les codes du jeu vidéo et prouvent au quotidien que, oui, il reste encore énormément de voies à explorer. Il y en a même une infinité ! Tant que la créativité et la passion seront présentes, le jeu vidéo ne pourra qu’évoluer dans le bon sens. Je pense au récent Death Stranding qui, même s'il fait débat, tente d’aborder le jeu vidéo d’une manière nouvelle et reste très intéressant et pertinent !

Je reste très optimiste pour ce medium qui a un bel avenir devant lui. La technologie ne cesse d’évoluer, notamment du côté de la réalité virtuelle qui offre de nouvelles perspectives très intéressantes, même si encore confuses et peu abordables.

Évidemment, c'est également un medium qui a de nombreux défauts, je pense aux conditions de travail parfois trop floues dans les plus gros studios. Lorsque je lis des articles stipulant que des personnes travaillent plus de 100h par semaine, j'en ai froid dans le dos. Il faut que ça change !
Je ne m’y connais pas assez dans le milieu professionnel, mais en tant que joueur, je tente de m’informer du mieux que je peux. Heureusement, on commence à ouvrir légèrement les yeux sur ces problèmes... Mais ce n’est pas suffisant.

 


G : Un dernier mot pour nos lecteurs ?


B : C’était un réel honneur de pouvoir partager mon histoire avec vous tous ! J’espère que vous prenez du plaisir à écouter ma musique ; et si vous ne l’avez pas encore découverte, je pense que "Designed to End (feat. Emi Evans)" est une belle introduction à mon univers musical.
De belles choses sont à venir, notamment si vous aimez les musiques de jeu vidéo et plus particulièrement des J-RPGs.

Je vais travailler d’arrache-pied pour produire des musiques qui pourront vous faire voyager et vous inspirer, je l’espère, au quotidien !

Mille mercis !

 


G : Merci à toi d'avoir pris le temps de répondre à toutes nos questions !

 

 

Si vous souhaitez retrouver Belzifer sur les réseaux sociaux ou écouter ses compositions, voici quelques liens utiles :

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Devenez l’ami·e des animaux avec l'introduction de Folie Fermière dans LEGO Fortnite. Peuplez votre domaine avec des vaches, des moutons, des poulets et des cochons dans la dernière mise à jour qui apporte des améliorations majeures au Village...

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