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AI : The Somnium Files

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Paru en 2019 sur PlayStation 4, PC et Nintendo Switch, AI : The Somnium Files aura finalement attendu l'annonce d'une suite deux ans plus tard pour se montrer sur Xbox One le 30 septembre dernierConsoleFun.FR ne s'étant pas penché sur le titre de Spike Chunsoft lors de sa sortie initiale, l'apparition de AI : The Somnium Files sur le Microsoft Store et le service Xbox Game Pass est l'occasion pour la rédaction de s'intéresser de plus près à ce jeu d'enquête particulièrement intrigant.

 

 

N.B. : AI : The Somnium Files ne propose pas de traduction française, d'où la présence de textes uniquement en anglais dans les différentes captures d'écran figurant dans ce test écrit.

 

 

 

Celui qui scrute l'abysse

 

 

Agent spécial du département top-secret ABIS (Advanced Brain Investigation Squad) de la police tokyoïte, Kaname Date est dépêché sur la scène d'un nouveau crime épouvantable : le corps mutilé de Shoko Nadami, une vieille connaissance à lui, a été retrouvé dans un parc d'attractions abandonné. Le globe oculaire gauche de la victime a été retiré ante-mortem et son cadavre ensanglanté a été attaché à l'un des chevaux en bois du manège. Alors que l'intrigue principale et son atmosphère oppressante s'imposent ensemble dès le lancement de la partie, le joueur est tout de suite plongé dans les yeux de Date pour enquêter et relever des indices : en bougeant la tête du personnage avec le joystick droit de la manette et en déplaçant le curseur avec le gauche, on peut cliquer sur les personnages visibles à l'écran pour converser avec eux et sur les éléments du décor pour les observer. Doté d'un œil gauche cybernétique super performant où loge Aiba, l'intelligence artificielle AI-Ball qui l'accompagne et l'assiste en permanence via un nerf artificiel, Date repère rapidement une présence cachée dans la colonne centrale du caroussel grâce à sa vision à rayon X. Forçant l'accès vers l'intérieur de la structure, l'agent trouve une enfant apeurée, un pic à glace recouvert d'hémoglobine dans le creux de ses jeunes mains : Mizuki Okiura, la fille de la victime qu'il héberge maintenant depuis des années...

 

Considérée comme témoin clé, Mizuki est emmenée au quartier général d'ABIS pour être interrogée, mais son traumatisme est tel qu'elle est devenue incapable de parler. Alors que cette affaire rappelle à la cheffe du département une série de meurtres opérée il y a six ans de cela, quand Date a perdu son œil gauche et ses souvenirs, le tuteur non-officiel de la préadolescente reçoit l'ordre de "Psyncer" avec elle et de pénétrer son Somnium, ou en d'autres mots, d'entrer dans son subconscient et de manipuler certains éléments de son rêve afin de revivre la scène de la découverte du corps et soigner son aphonie. Ainsi, Date utilise la Psync Machine sur la jeune victime et constate que le monde de ses songes est torturé par des images surréalistes et cauchemardesques...

 

L'utilisation de la Psync Machine est récurrente et permet à ABIS de remonter la trace de l'assassin — supposé tueur en série — le plus rapidement possible.

 

Dans cette seconde séquence de jeu, le joueur est mis aux commandes de l'avatar humanoïde d'Aiba qui dispose de pas moins de six minutes pour déverrouiller les Verrous Mentaux (Mental Lock) du sujet "Psyncé". Pour se faire, Aiba doit se déplacer dans le Somnium et résoudre des énigmes en interagissant avec les éléments oniriques en rapport avec l'enquête et l'état de la psyché du sujet (principalement dans des cas de figure comme celui de Mizuki). Malheureusement pour l'agent spécial et sa partenaire virtuelle, les rêves bafouent très souvent les lois naturelles, impliquant pour eux et pour le joueur d'expérimenter certaines combinaisons entre différents éléments du rêve qui ne concordent pas d'un point de vue rationnel : le manège tourbillonnant à une vitesse effroyable du Somnium de Mizuki peut par exemple être lié à un autre objet tournoyant, comme un parasol se trouvant à proximité.

 

Le nombre élevé d'objets et d'interactions chronophages possible laisse penser à raison que six minutes pour aller au bout d'un Somnium est bien trop peu, et c'est pourquoi Pewter, le professeur qui a inventé la Psync Machine et l'AI-Ball, a récemment ajouté deux nouvelles fonctions à Aiba. La première consiste à un ralentissement extrême du temps lorsque Aiba ne bouge pas dans le monde des rêves. Même si la stase semble totale, il est techniquement possible d'accéder à l'écran de Game Over en patientant tranquillement que le minuteur n'affiche plus que des zéros. La seconde est la disposition de TIMIEs, des bonus écourtant une action — qu'elle soit utile à la progression ou non. Ces bonus ne peuvent être obtenus qu'en effectuant des actions qui, très souvent, indiquent quel TIMIE il y a à la clé lors de l'affichage des choix d'actions disponibles. Ne pouvant en transporter que trois au maximum, Aiba est incapable de se débarrasser manuellement de ses TIMIEs ou de les additionner pour une économie temporelle optimale. Pour remplacer l'un d'entre eux, elle est contrainte d'en gagner un nouveau qui prendra systématiquement la place du plus ancien des trois. Malheureusement pour elle, les actes effectuées dans un Somnium imposent parfois cruellement un TIMIE néfaste qui multiplie systématiquement le temps nécessaire à la réalisation de la prochaine action du joueur, en plus de logiquement parasiter une place dans son minuscule inventaire jusqu'à son utilisation. Ce lot de règles très simple à comprendre et à mettre en œuvre presse le joueur à gérer ses précieuses secondes et ses TIMIEs afin d'ouvrir les Verrous Mentaux le plus rapidement possible.

 

Agir dans le Somnium consomme obligatoirement du temps. Heureusement, l'interface permet de comprendre instantanément le temps nécessaire à la réalisation d'une action, les TIMIEs que l'on peut gagner en en achevant une, et l'économie temporelle possible en utilisant un bonus. Par ailleurs, les actions effectuées dans de précédents essais sont enregistrées, permettant ainsi au joueur de visualiser plus rapidement ses erreurs passés et de tester de nouvelles combinaisons (certains TIMIEs étant inconnus jusqu'à l'achèvement de l'action qui y est liée, en obtenir un lors de ses premiers pas dans un Somnium permet de l'identifier et d'afficher sa nature lors de ses prochains essais).

 

Après cette première rencontre avec le monde des songes, le joueur incarne à nouveau Date et constate sans grand étonnement la boucle ludo-narrative qui s'offre à lui : une phase d'investigation menant à une découverte majeure suivie d'une phase de réflexion dans le Somnium d'un témoin ou d'un principal suspect, puis recommencement. On constate rapidement que la présentation des différentes séquences de jeu évoque les principales mécaniques du point & click : quand Date mène l'enquête, le point de vue passe à la première personne et le curseur devient le seul moyen d'interaction possible avec la scène, et malgré la liberté de mouvements plus conséquente du joueur lorsqu'il est invité à élucider les énigmes absurdes du Somnium, l'avatar d'Aiba s'apparente lui aussi à un curseur qui, en un clic, interagit avec les éléments du décor onirique. À quelques rares exceptions près où Aiba est capable de transporter des objets d'un point A à un point B selon les commandes du joueur, il est impossible d'en ramasser, d'en assimiler ou d'en utiliser à son bon vouloir. AI : The Somnium Files se contente de cette simple mécanique : pointer et cliquer.

 

La progression dans le Somnium est sauvegardée automatiquement à chaque Verrou Mental ouvert. Cependant, le temps nécessaire à la résolution des prochaines énigmes peut s'avérer beaucoup plus élevé qu'escompté, mettant alors le joueur face à une impasse. Heureusement, il peut rembobiner sa progression jusqu'à trois Verrous Mentaux en arrière afin d'aller plus rapidement à l'essentiel. Si ce n'est pas encore suffisant ou s'il épuise ses trois checkpoints, il peut tout simplement recommencer le Somnium depuis le menu et tenter une approche plus efficace.

 

Avec le nombre ahurissant de textes intégralement doublés, le portrait des interlocuteurs joliment animé en 3D affiché à côté des dialogues, un déroulement scénaristique très dirigiste et des personnages esthétiquement très "manga", le titre de Spike Chunsoft semble plutôt se rapprocher du visual novel. Seules les scènes dans le Somnium écartent légèrement AI : The Somnium Files du genre, mais il est malgré tout important de le catégoriser dans la mesure du possible afin de cerner au mieux l'expérience du jeu et livrer un jugement critique juste. Si AI : The Somnium Files est considéré par ses développeurs et par beaucoup de joueurs comme un jeu d'aventure, son considérable aspect visual novel n'est pas irréfléchi : plus que le gameplay, c'est l'histoire qui est mise en avant.

 

Pour divertir le joueur et maintenir son intérêt jusqu'à la fin de l'histoire, AI : The Somnium Files pourrait sommairement continuer d'emprunter une voie scénaristique toute tracée vers des évènements plus macabres encore que son introduction, mais le jeu se voue à une toute autre volonté que celle de nous infliger une série de meurtres à laquelle le joueur ne pourrait qu'être spectateur.

 

Grâce à la réalité augmentée, Aiba prend parfois l'initiative d'apparaître dans la vision de Date afin de faciliter les échanges d'informations et faire un récapitulatif complet sur la situation de l'enquête.

 

 

 

Un doigt dans l'œil

 

 

Alors qu'il existe une quantité considérable d'actions inutiles et chronophages dans le Somnium qui, pour rappel, n'a de logique que la psyché et la mémoire parfois instables du sujet, la majorité d'entre elles s'avèrent être ridicules et amusantes : entre les disputes puériles entre Aiba et Date qui l'oblige à agir de façon absurde, les évènements qui ne se passent jamais comme prévu et les nombreux jeux de mots spontanés que les deux compagnons sortent à tout bout de champ pour détendre l'atmosphère, il y a de quoi être étonné. Il en va de même lors des phases d'investigation où, en cliquant un peu partout et sur n'importe quoi, le joueur est récompensé non pas par des informations cruciales pour l'avancement de l'enquête mais par un humour décalé et surprenamment bien dosé.

 

AI : The Somnium Files établie beaucoup de ses blagues sur des références à d'autres jeux, à la japanimation et à des personnalités réelles. Que vous ayez ou non les références citées par les personnages (la traduction anglaise n'aidant pas à toutes les saisir), l'important décalage qui se crée dans certaines situations prête naturellement à sourire. Ci-dessus, une référence évidente à Neon Genesis Evangelion.

 

Les running gags sont monnaie courante dans AI : The Somnium Files, ils arrivent même à inciter le joueur à toujours cliquer ici et là afin de débloquer une blague et sa suite. Simple sourire aux lèvres, la récompense du joueur semble modeste, voire aussi ridicule que l'humour qui nous est servi, mais subsiste une certaine admiration lorsque l'on constate que ce dernier fait partie intégrante de la direction artistique et de l'univers du jeu. Ainsi, certaines incohérences inhérentes aux récits illustrés sont ici normalisées — logiques : les personnages ne changent jamais de vêtements parce qu'ils sont trop rationnels pour en choisir de nouveaux, la puissance abusive d'une gamine en colère et les réflexes 3,6 fois plus réactifs de Date lorsqu'un magazine pornographique est en jeu deviennent de véritables atouts lors des opérations recourant à la force brute. Avec autant de bêtises racontées au cours de l'enquête, on ne peut que se demander si elles serviront vraiment à quelque chose plus tard ou non.

 

Alors que l'humour aurait pu se contenter d'habiter les dialogues et les descriptions d'objets, il s'invite aussi lors des scènes d'action. En effet, le titre de Spike Chunsoft propose également de l'action entre deux gros rebondissements scénaristiques, histoire de rendre le récit plus palpitant, mais plusieurs problèmes persistent durant ces phases qui arrivent pourtant toujours à point. Tandis que les révélations importantes sont généralement climaciques, les scènes d'action qui les talonnent semblent atténuer la tension narrative avec des solutions musclées et loufoques, mais l'humour censé rendre les agissements de Date aussi imprévisibles que d'ordinaire est gâché par quelques animations recyclées. Ces dernières s'activent lors de certains moments clés (lorsque Aiba anticipe toutes les issues possibles au milieu des situations les plus désespérées ou quand, sans l'assistance du joueur, Date change le type de munitions de son Evolver — son arme à feu fétiche), rappelant au passage les animations répétées à loisir que l'on trouvait dans les anciennes séries télévisées pour vendre des produits dérivés ou économiser du temps de production. Distrayante au départ et cohérente avec la direction artistique du jeu, cette forme de mise en scène rallonge inévitablement les séquences d'action, en plus de leur retirer ce côté spontané et surprenant que l'on retrouve justement dans l'humour des personnages.

 

Ne pouvant vraisemblablement pas agir durant ces phases si ce n'est en exécutant des QTE aussi simples qu'inutilement punitives, le joueur est voué à regarder les mouvements rigides et robotiques des personnages, ainsi que les courts mais plutôt pénibles temps de chargement lorsque la caméra alterne entre la vue subjective et celle à la troisième personne pour une mise en scène correcte mais sans éclat, soit le total opposé des phases d'investigation où les gestes très mécaniques des personnages sont éclipsés par leur faciès travaillé et où les changements de perspective sont quasi instantanés. AI : The Somnium Files étant plus proche du visual novel que du point & click, il est normal de constater le manque d'interactivité lors de ces séquences, mais ces dernières auraient pu gagner en intérêt et en intensité si elles nous avaient proposé de nouveaux casse-têtes à résoudre — limités dans le temps ou non — avec l'aide d'Aiba et ses prévisions super précises, impliquant davantage le joueur dans l'action sans avoir à passer par une mécanique de jeu désuète.

 

Même s'il s'agit de QTE déguisés, les rares passages demandant de viser suffisamment longtemps un objet afin de lui tirer dessus arrivent à capter un peu plus l'attention du joueur.

 

En clair, les scènes d'action supposées dynamiser le rythme du jeu finissent ironiquement par le briser. Malgré le désintérêt qu'on peut leur trouver, ces séquences ne sont pas au cœur d'AI : The Somnium Files et ne composent pas son essence première. Bien plus malin qu'il ne veut le faire paraître avec son humour, le jeu sait magistralement maintenir la curiosité du joueur grâce à des embranchements scénaristiques menés avec maestria.

 

Depuis le menu, il est possible de consulter le dossier personnel de tous les personnages rencontrés, de retrouver le vocabulaire difficile et les explications pseudoscientifiques dans l'appendice, et d'admirer dans l'album les artworks et les concept arts qui se débloquent progressivement après l'achèvement des différents Somnia et la découverte des mystérieuses AI-Balls dissimulées dans chacun d'entre eux. D'ailleurs, ce menu peut être activé n'importe quand en dehors des cinématiques.

 

 

 

Gentil n'a qu'un œil

 

 

En continuant l'investigation avec Date, le joueur a très souvent le choix des questions à poser aux témoins, aux suspects ou à leurs proches, mais celles-ci n'impactent en rien la trame scénaristique du jeu (a contrario, elles peuvent débloquer des fins bonus qui ne sont rien d'autre que des blagues ou des game over, mais il faut généralement insister pour les obtenir). En effet, tous les dialogues d'une scène peuvent être lus sans que cela ne change l'histoire, seules quelques indices dissimulés et d'énièmes jeux de mots sauront gratifier les joueurs les plus curieux.

 

Cependant, lors des phases dans le Somnium, plusieurs solutions à une énigme existent parfois. Selon son accomplissement, un Verrou Mental différent s'ouvre et dévie le joueur vers une autre partie du rêve qui, immanquablement, influence les pensées du sujet Psyncé ainsi que le cours des évènements. Par exemple, lorsque Date et Aiba visitent le Somnium de Mizuki, deux possibilités s'offrent à eux : en agissant d'une certaine manière, la préadolescente est soignée de son traumatisme, mais en manœuvrant différement les éléments de son esprit, elle conserve son aphonie. Deux routes temporelles se déploient alors ; dans chacune de ces voies, les intrigues scénaristiques et les Somnia visités diffèrent, tandis que dans ces derniers, de nouveaux Verrous Mentaux sont exposés, chacun d'entre eux menant vers des branches scénaristiques inédites ayant leur propre arc narratif qui, généralement, se focalise sur l'un des personnages au centre de l'intrigue actuelle. Tous ces arcs se concluent non pas par la résolution de l'enquête mais par un cliffhanger dévoilant un nouvel indice ou rapportant un évènement inattendu qui s'amuse à chambouler toutes les théories jusqu'alors imaginées par les personnages et le joueur.

 

Pour débloquer de nouvelles routes scénaristiques, le joueur est invité à utiliser l'Organigramme (Flow Chart) via le menu afin de revivre n'importe quel épisode du jeu. Ce plan est pratique pour débloquer les Verrous Mentaux manquants et dénicher les quelques collectables cachés dans les différents tableaux du Somnium.

 

Ces cliffhangers interpellent le joueur et lui demandent avec brio de voir sous un nouvel angle cette affaire criminelle complexe qui semble délicieusement interminable (en cliquant un peu partout, il faut environ une trentaine d'heures de jeu pour finir entièrement la trame principale d'AI : The Somnium Files et une quarantaine pour compléter le jeu à 100%). C'est justement en abusant ainsi du joueur que AI : The Somnium Files dévoile son plein potentiel : en dénichant petit à petit des indices sans que l'on ne s'approche jamais du tueur, en suivant de fausses pistes et en interprétant les pensées des suspects après avoir difficilement exploré leur Somnium, on s'implique dans l'affaire en élaborant naturellement des théories au fil des heures de jeu.

 

Étant donné le côté très dirigiste du scénario, l'enquête prendra inéluctablement fin d'elle-même, et le joueur au courant de ce phénomène devrait normalement arrêter d'étudier les indices à la place des personnages, mais il n'y a pourtant rien de plus grisant que de trouver des réponses avant qu'elles ne soient données ou de se perdre dans un lot de nouvelles informations qui forcent à réfléchir encore et encore jusqu'à ce qu'on se dise que, cette fois-ci, c'est la bonne solution. Le jeu a beau tirer l'enquête en longueur, la sensation d'approcher de la vérité est omniprésente, et il ne s'agit pas d'un simple état de fait, c'est le résultat d'une écriture de qualité qui utilise à merveille les contrastes pour humaniser des personnages virtuels et créer des rebondissements scénaristiques surprenants.

 

Il est possible d'ouvrir le Rapport d'Investigation d'un épisode via l'Organigramme afin de recommencer une séquence bien précise.

 

Ainsi, si Date ressemble au héros amnésique au grand cœur que l'on connaît dans les JRPGs, il est aussi un pervers qui ne démord jamais de ses convictions lubriques, et si Aiba est franche et capable de hacker calmement presque n'importe quel serveur et appareil électronique pour traquer ou tromper des suspects, elle panique et devient rapidement maladroite lorsqu'elle doit interagir de façon plus directe avec les humains puisqu'elle s'engage à leur mentir — ce qui est loin d'être son fort. Étant tous impliqués d'une manière ou d'une autre dans cette affaire, les autres personnages, qu'ils soient suspects ou témoins, sont eux aussi sujets à ce genre de contraste, et c'est par le biais des arcs narratifs qui leur sont dédiés que le joueur découvre leur véritable nature et leurs secrets. Grâce à ce contraste saisissant entre leur ton habituellement léger et le fardeau qu'ils dissimulent, l'empathie gagne le joueur et l'encourage à poursuivre les autres routes scénaristiques, quitte à devoir recommencer les Somnia auparavant sondés qui, peut-être, auront plus de sens à ses yeux (par ailleurs, pour ne pas assommer le joueur avec des textes qu'il a déjà lus, la gachette droite est consacrée à l'accélération des dialogues et des cinématiques).

 

C'est de cette même façon que l'humour et la routine du joueur noircissent les évènements funestes qui l'attendent, avivent ses émotions et l'impliquent davantage dans son enquête.

 

Pour apprécier au mieux ces moments paisibles passés en bonne compagnie, il existe une option de lecture automatique des dialogues afin de ne rater aucun texte. Si l'erreur venait à se produire, sachez qu'un journal de la conversation permettant de relire et même de réécouter tous les dialogues d'un épisode est présent. Par ailleurs, bien que le casting anglophone soit correct, on préférera les voix japonaises très bien dirigées.

  • JOUABILITÉ

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    S'apparentant davantage à un visual novel, AI : The Somnium Files propose malgré tout une diversité de mécaniques de jeu fort appréciable mais dont la pauvreté ludique se fait vite ressentir. Ainsi, les phases "point & click" ne servent qu'à récompenser l'œil du joueur et son humeur via des blagues, les énigmes du Somnium sont parfois difficiles à résoudre puisqu'il faut interagir avec beaucoup d'éléments souvent inutiles à la progression, et les scènes d'action sont peu palpitantes à vivre, notamment à cause de leur mise en scène sans éclat qui brise le rythme de l'histoire et de la présence presque maladroite de QTE. On peut également regretter une assistance de jeu un peu trop prononcée et un certain manque de challenge.
    Malgré ça, le tout est consistant et maniable, même à la manette. Le jeu se contentant principalement de nous raconter une histoire, on peut dire que AI : The Somnium Files ne fait pas trop d'erreurs, surtout que son scénario habile arrive à impliquer naturellement le joueur dans l'enquête qu'il raconte — une sorte de jeu dans le jeu.

  • GRAPHISMES

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    La direction artistique est irréprochable, les personnages et les décors sont bien modélisés, les faciès très convaincants et bien animés et les Somnia superbement agencés. Seuls les mouvements robotiques des personnages, la mise en scène des séquences d'action et quelques ralentissements viennent entacher l'aspect graphique du titre. Cependant, les cadres fixes des phases d'investigation sont travaillés et très bien choisis. L'aliasing est nullement dérangeant.

  • BANDE SON

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    Collant parfaitement aux ambiances qu'elles décrivent avec minutie, les compositions musicales sont pour ainsi dire presque parfaites, bien que généralement très discrètes. Elles participent à renforcer cette aura de mystère particulière qui plane jusqu'à la fin du jeu, ainsi que certains contrastes mentionnés dans le test. Le casting japonais offre une excellente prestation et nous immerge sans soucis dans l'enquête, tandis que les voix anglaises sont juste correctes.

  • DURÉE DE VIE

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    Le visual novel est un genre qui peut lasser le plus impatient des joueurs, mais l'aspect enquête mené avec brio de celui-ci implique le joueur dans son histoire pour éviter cet effet. Il faut entre 24 et 30 heures pour terminer le jeu normalement et environ 40 heures pour compléter le jeu à 100%. Une fois AI : The Somnium Files entièrement fini, la question de la rejouabilité se pose cependant.

  • SCÉNARIO

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    Principal atout du jeu, le scénario d'AI : The Somnium Files est dirigé d'une main de maître : les personnages sont tous attachants à leur manière, les arcs narratifs sont bien amenés et leur cliffhanger sont tous aussi déroutants que saisissants. L'humour est bien dosé, en plus de créer un contraste captivant avec les scènes macabres et de donner de la consistance au Tokyo futuriste qui nous est dépeint. Les nombreux rebondissements scénaristiques sont tous réussis et l'enquête qui, faute de l'avouer, prend son temps, est bien ficelée. Loufoques et quelque part intéressantes, les scènes d'action — que l'on souhaite à chaque fois accueillir à bras ouverts — brisent le rythme de la narration à cause de problèmes techniques et d'une mise en scène assez chétive.
    L'histoire d'AI : The Somnium Files arrive cependant à impliquer ingénieusement le joueur dans l'enquête qu'elle raconte et ce, malgré son côté très dirigiste. Il s'agit presque d'un sans-faute !

  • Points positifs

    • La qualité d'écriture
    • La direction artistique
    • L'implication du joueur dans l'enquête
    • La durée de vie
  • Points négatifs

    • Les scènes d'action qui brisent le rythme
    • Les solutions absurdes des énigmes du Somnium
    • Une assistance de jeu un peu trop prononcée

Conclusion

Malgré quelques lacunes, AI : The Somnium Files absorbe le joueur dans une expérience singulière, l'emportant dans une enquête à laquelle il ne participe pas à la résolution mais dont il s'amuse à comprendre les tenants et les aboutissants. La qualité d'écriture indéniable et la direction artistique irréprochable de ce jeu narratif en font un excellent titre à poursuivre et à déguster durant de nombreuses heures.

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