Si vous êtes joueur de longue date et que vous affectionnez le genre du RPG, alors il y a de fortes chances que vous connaissiez la série des Mana, plus connue sous l’appellation Seiken Densetsu au Japon. Alors que la licence est revenue sous les projecteurs dernièrement avec la sortie de la Collection of Mana, qui regroupait ses titres les plus iconiques Mystic Quest, Secret of Mana et Trials of Mana pour la première fois sur Nintendo Switch, il aura concrètement fallu dix-sept ans pour que sorte un nouvel opus sur consoles : Visions of Mana. Un jeu commandé à Ouka Studios par Square Enix, qui n’est ici qu’éditeur du jeu. Et si Visions of Mana annonçait un retour sur scène de cette saga iconique, il est important de préciser que l’avenir des Mana se fera sans Ouka Studios, développeur chinois dont la plupart des effectifs s’est vue remerciée le 29 août 2024, jour de la sortie du titre sur PC, Xbox Series, PS4 et PS5 –une fin de développement prévue telle quelle, le studio travaillant déjà en effectifs réduits depuis quelques mois avant la sortie. Mais alors que vaut ce nouveau Mana : parvient-il à moderniser la licence et à séduire un nouveau public ?
Précision : votre testeur n’ayant jamais joué aux précédents jeux Mana, Visions of Mana sera donc traité ici simplement en tant que RPG, avec un minimum de comparaisons aux titres précédents. Ce test a été réalisé grâce à un code presse fourni par l’éditeur, sur Xbox Series X. Le jeu a été complété dans son entièreté : quête principale, post-game, quêtes secondaires et totalité des succès, ce qui a pris 46h de jeu.
Un scénario prometteur mais décevant
Après un excellent prologue dont nous vous tairons les détails, Visions of Mana nous fait incarner Val, un jeune homme du village de Tiana, désigné comme le Gardien d’Âmes et devant ainsi escorter les offrandes jusqu’à l’arbre du Mana. Si l’arbre du Mana régit le flux du Mana dans le monde, son équilibre est fragile et il faut, pour en garantir la postérité et éviter de terribles calamités partout dans le monde, lui offrir des offrandes. Et nous parlons bien ici d’humains : tous les quatre ans, huit personnes sont désignées offrandes par la Fée, représentante de la Déesse du Mana.
Nulle raison de s’alarmer ici : ce qui nous paraît tout à fait horrible est, dans l’univers de Visions of Mana, perçut comme le plus grand des honneurs ! Être désigné offrande est ainsi le rêve de nombreuses personnes, et le sacrifice de soi pour le bien de l’humanité est tout à fait banal. Et si vous pensez que cela n’est vrai qu’au début, lorsque l’on n’est pas désignée offrande, vous n’êtes qu’à moitié dans le vrai ! En effet, si le jeu pose des enjeux scénaristiques forts dès le début, le traitement de ces enjeux ne décolle jamais vraiment, nos protagonistes remettant très peu en question le façonnement de leur monde, malgré certaines informations essentielles qu’ils décident la plupart du temps de négliger.
D’entrée de jeu, des enjeux forts sont posés.
L’écriture est ainsi le point faible du titre par excellence, un comble pour un RPG : ici, même dérouler un scénario basique n’est pas réussi, le titre réussissant à s’empêtrer dans une seconde moitié aussi pénible qu’insatisfaisante. À l’exception de Morley, les personnages sont creux, leur personnalité est assez fade, et leurs développement est pauvre. Les quelques lignes de dialogues leur insufflant des sentiments crédibles se perdent dans nombre de lignes déclaratives, ayant à cœur d’expliquer chaque chose sans trop que l’on ne sache pourquoi. Pire encore, une poignée d’éléments intéressants s’appuient énormément sur des jeux bien connus du genre RPG, et l’on frôle le plagiat de certains titres, sans toutefois jamais en égaler au moins le minimum qualitatif en termes de déroulé scénaristique. Ne reste alors que des soupirs devant le développement incohérent de certains évènements, et la tristesse de voir de tels enjeux gâchés par l’inexploitation de leur potentiel : si vous cherchiez une histoire de haute volée, passez votre chemin, Visions of Mana sera tout bon à faire découvrir le genre à votre enfant, et encore…
Morley est le seul personnage un minimum travaillé, mais son potentiel est lui aussi gâché…
Magnifique malgré quelques soucis techniques
Du reste, Visions of Mana est tout simplement sublime à regarder et à parcourir. Chaque zone est un délice à découvrir, avec des couleurs chatoyantes et une direction artistique particulièrement plaisante. Les couleurs légèrement saturées, alliées à un level-design taillé pour la découverte, donnent un résultat tout simplement grisant : continuer son périple est toujours synonyme de nouvelles exclamations de surprise et de joie face aux paysages qui s’offrent à nous.
Hina résume bien ce que l’on se dit tout au long de l’aventure et des découvertes des lieux.
Par ailleurs, le titre en joue et nous pousse à aller visiter chaque recoin de la carte. En effet, la carte et la mini-map affichent les points d’intérêts, et s’il est possible de désactiver la mini-map, la carte continuera de son côté à vous donner toutes les informations liées aux coffres disséminés çà et là. Une façon comme une autre de vous faire retourner chaque lieu, alors que les récompenses dans les coffres ne sont quasiment jamais intéressantes : qu’à cela ne tienne, le plaisir est ici dans le chemin parcouru, pas dans la destination ! On retiendra toutefois quelques malheureux crashs du jeu, notamment lorsque l’on prend le dernier moyen de déplacement déblocable, de quoi faire perdre entre 30 minutes et une heure de jeu selon vos habitudes de sauvegardes –nulle doute qu’elles vont changer pendant votre aventure, et que vous sauvegarderez alors bien plus que de raison.
Le chara-design est lui aussi plutôt réussi, avec un style très particulier, et plusieurs couches de vêtements sur les personnages, qu’il s’agisse de lamelles de métal ou autres éléments d’armure. On observe d’ailleurs, au début des cinématiques, un léger décalage entre l’affichage de certaines textures, ce qui gâche un peu l’immersion sans toutefois être grandement dommageable. Le travail sur les animations est de très bonne facture, avec de nombreux mouvements et de beaux effets, notamment lorsque l’on débloque de nouvelles classes et que l’on assiste au changement d’équipement de notre personnage en conséquence, dans le plus pur style magical girl. Le bestiaire est quant à lui quasiment intégralement repris de la série Mana, ce qui ne dérangera pas grand-monde étant donné que le dernier jeu date de 2007, mais l’on aurait pu souhaiter un peu plus de créativité…
Les différentes zones sont vraiment un régal pour les yeux. Que c’est beau !
Enfin, la bande sonore est plutôt réussie : si l’on note peu de thèmes particulièrement notables, les musiques ne sont pourtant jamais trop répétitives, et surtout le monde de Visions of Mana fourmille de petits bruitages donnant vie à l’environnement, avec par exemple des bruits d’insectes même si ceux-ci n’apparaissent pas à l’écran. Les protagonistes sont entièrement doublés pour ce qui est de la quête principale, et l’on note toutefois une adaptation particulièrement réussie en langue anglaise : là où les sous-titres français, plus proches du script original japonais, ont parfois l’air peu naturels, le travail sur le doublage anglais est excellent et donne une véritable identité aux personnages, à leur caractère et à leurs émotions. C’en devient presque dommage lorsqu’on lit les sous-titres français et que l’on perçoit leur pauvreté face à l’adaptation anglaise, un comble ! N’hésitez donc pas à jouer avec les sous-titres anglais plutôt que français, si vous comprenez bien cette langue.
Un gameplay d’action-RPG mitigé
Faisant alterner le joueur entre grandes zones et donjons plus étroits, Visions of Mana n’est pas avare en combat, et arbore un gameplay orienté action : chaque groupe d’ennemis est visible dans la zone parcourue, et engager un combat se fait sans transition, ce qui est plutôt agréable. Les habitués de la licence retrouveront le fameux menu en anneaux, une interface nous permettant de sélectionner un objet ou une compétence à utiliser à la volée par le personnage de son choix. Ces personnages, limités à trois parmi cinq au combat, sont tous jouables, et il est même possible de passer de l’un à l’autre à n’importe quel moment ! C’est particulièrement pratique lorsque l’on a besoin d’une compétence en particulier, même si le mode de difficulté par défaut ne nécessite jamais vraiment de réfléchir à notre approche tactique : la plupart du temps, bourrer les combos par défaut permet de se défaire des ennemis plus ou moins rapidement. Malheureusement, la caméra est aux fraises la plupart du temps, ne parvenant pas à suivre l’action et devenant un véritable obstacle à vos mouvements : c’est finalement le plus grand ennemi à affronter tout au long du jeu.
L’interface en anneau fait son grand retour.
Les magies apportent un peu de diversité mais sont trop longues à lancer, ce qui résulte en une économie de temps à juste spammer les coups d’épée, alors même que les déplacements et enchaînements sont un peu lourdauds pour de l’action-RPG. Seules quelques affinités élémentaires pourront venir briser cette monotonie, mais la partie combat ne se montre jamais réellement transcendante. Pour remédier à ça, vous disposerez de quelques épreuves plus ardues que le reste, qui vous obligeront à adapter votre stratégie et vos équipements, mais ces défis s’adressent surtout au late-game ou aux complétionnistes. Les combats de boss sont néanmoins appréciables, notamment ceux de la deuxième moitié du jeu qui apportent souvent un concept propre à leur combat.
La progression dans le jeu se fait via le déblocage de classes pour chaque personnage, ces classes étant associées à un type d’arme spécifique. Avec quarante classes, mais toujours une limite de trois types d’arme par personnage, on obtient quinze façons de jouer différentes, ce qui offre de nombreuses possibilités en matière de personnalisation d’équipe ! On regrettera seulement la limitation du système de classe : les compétences et passifs débloqués pour une classe ne sont utilisables que lorsque cette classe est active, et ce quasiment jusqu’à la fin du jeu. Un comble alors que l’on passe l’intégralité du jeu à vouloir faire disparaître cette fichue limitation, possibilité qui n’arrive que pour…un New Game+. C’est peu surprenant, mais assez dommage, certaines combinaisons étant franchement intéressantes.
L’arborescence élémentaire permet d’améliorer nos classes avec des compétences actives et passives.
Pour ce qui est de l’IA des alliés, leur attitude est personnalisable, et il faut dire que l’IA est terriblement efficace ! En mode normal, il est parfois possible de laisser vos alliés faire tout le travail, vous transformant en simple healer et devenant spectateur de votre victoire. C’est encore plus vrai si vous réalisez de nombreuses quêtes annexes aussi tôt que possible et que votre niveau devient trop avancé comparée à celui de la quête principale. De nombreuses raisons de monter la difficulté, histoire de gagner un peu en challenge.
Les quêtes annexes ne sont d’ailleurs pas là pour relever le niveau d’écriture de l’histoire principale : inintéressantes au possible hormis quelques quêtes filées, elles sont d’autant plus agaçantes qu’elles demandent la plupart du temps d’aller récupérer des objets sur des monstres que l’on a déjà battu des dizaines de fois, ces objets n’apparaissant qu’une fois la quête activée… Sans doublage, ces quêtes fedex n’offrent pour la plupart aucune récompense intéressante, exception faite de la fin du jeu où l’on peut récupérer les meilleurs équipements.
La stratégie de l’IA alliée est personnalisable, en plus d’être terriblement efficace par défaut.
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