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[Interprétez !] Final Fantasy VI — Face au Chaos de l'Âme

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Placé sur le grand pinacle de la fin de l'ère 16-bit, Final Fantasy VI a su marquer de nombreux esprits à travers le monde entier, aussi bien à l'époque de sa sortie sur Super Nintendo qu'aujourd'hui, à l'heure des portages à tout va et de l'émulation facile, notamment grâce à sa narration soutenue par une mise en scène soignée et des thématiques surprenamment sombres et matures pour l'époque, mais pas seulement. Que ce soit au niveau de l'écriture des personnages principaux, du choix des héros ou de son rythme scénaristique, Final Fantasy VI a effectivement réussi à chambouler le monde du J-RPG (voire celui du jeu vidéo) en brisant volontairement certains de ses codes.

 

Aujourd'hui, nous allons nous pencher tout particulièrement sur la dernière partie du jeu, celle qui plonge le monde de Final Fantasy VI et ses acteurs dans le Chaos absolu, et analyser quelques unes de ses caractéristiques afin d'interpréter certains choix artistiques intéressants et plutôt osés.

 

Attention : cet article spoile bien évidemment une grande partie de l'histoire de Final Fantasy VI. Vous vous apprêtez donc à vous enfoncer dans une analyse originalement basée sur un ressenti très personnel à vos risques et périls.

 

 

 

Un monde sur le déclin

 

 

Gestahl, l'empereur tyrannique, continue de conquérir le Monde de l'Équilibre en usant du verbe dominateur, de la dissuasion technologique et de la force brute. C'est dans cette optique que Gestahl laisse Kefka, son bras-droit clownesque capable de magie, employer les moyens les plus sauvages et les plus vils pour arriver à ses fins, comme en témoignent l'incendie du château de Figaro, l'empoisonnement des eaux de la citadelle de Doma ou encore la manipulation mentale de Terra, une jeune femme mi-humaine mi-chimère aux pouvoirs effroyables. Qu'importe si des innocents perdent la vie dans ces horribles procédés de conquête, seul le résultat compte.

 

Les actions atroces et immorales de l'Empire entraînent bien sûr la création de la Résistance, un groupe épars tapi dans l'ombre qui accueille rapidement Terra, libérée de sa couronne de servilité suite au massacre de Narshe auquel elle a participé dans l'introduction du jeu — elle et le joueur. Timide et perdue, la sorcière aux cheveux verts rencontre vite Locke et Edgar, eux aussi membres de la Résistance, puis bien d'autres personnages hauts en couleur au cours de ses péripéties face aux forces impériales et de sa découverte du monde et de soi.

 

Le joueur peut effectivement recruter jusqu'à quatorze personnages jouables à la fin du jeu, tous uniques et emportés par leur quête personnelle, chacun participant à l'histoire de Final Fantasy VI de façon cohérente et vivante. Bien que certains soient moins exploités scénaristiquement que d'autres, tous ces personnages sont pensés pour être les héros du jeu et ont plus ou moins d'importance dans l'histoire selon la composition d'équipe optée par le joueur — selon ses choix. Ainsi, en parcourant le Monde de l'Équilibre avec des héros spécifiques, certaines scènes et quêtes secondaires peuvent se lancer une fois arrivés dans des lieux précis, offrant une dimension de liberté réelle au joueur mais également la possibilité pour lui de mieux comprendre et appréhender ces personnages pixélisés. Ces derniers deviennent rapidement plus profonds et complexes qu'imaginés, tous souffrant d'un sentiment de perte différent : Locke, le voleur au grand cœur (et un peu tête brûlée) qui tient à son titre de chasseur de trésors, espère ressusciter sa bien-aimée Rachel qui, pourtant, n'arrivait plus à se souvenir de lui avant d'être alitée, mourante ; Cyan, chevalier honorable, droit et aimant, perd sa famille et sa patrie à cause de la fourberie de Kefka, tandis que Celes, ex-générale impériale et chevalier runique infusée par la magie, s'esseule toujours, se sentant à raison coupable d'avoir participé aux exécrations de l'Empire qu'elle a quitté après avoir ouvert les yeux sur ses actions.

 

Les habitants du Monde de l'Équilibre, héros inclus, assistent en effet à une époque de transition étrange où la magie, depuis longtemps oubliée, revient en force à cause des expériences et des nouvelles technologies de l'Empire qui, sans retenue, épuise l'essence de la planète pour les désirs de son despote belligérant. Final Fantasy VI offre en quasi permanence des panoramas froids et ternes au joueur, comme les décors enneigés de Narshe, la première ville que l'on traverse, qui donnent le ton du scénario dès le début du jeu et un premier et triste constat sur l'état du monde que l'on s'apprête à parcourir.

 

Introduction mythique où Biggs, Wedge et Terra, alors sous le contrôle de l'Empire, avancent lourdement dans la neige avec leurs Armures Magitech.

 

En partie fable écologique, Final Fantasy VI propose bien sûr au joueur de défaire les plans de l'Empire et de faire s'aventurer ses guerriers rebelles dans la terrible capitale impériale, Vector, afin de sauver quelques chimères survivantes, enfermées et torturées dans les laboratoires impériaux dans l'infâme but de récolter leur essence magique. Cet acte héroïque permet également à Terra de se souvenir de qui elle est réellement et de débloquer ses pouvoirs que lui octroie son statut spécial.

 

L'histoire du jeu avance dans le bon sens pour le joueur : il recrute de nouveaux compagnons, gagne des capacités uniques et des invocations utiles, et les antagonistes ont toujours un coup d'avance sur lui et ses amis virtuels, contribuant à lui faire croire que l'ultime combat, qui sera sûrement grandiose, approche. À plusieurs reprises, il observe également les actes impardonnables de l'Empire : faux traîté de paix, meurtre du général Léo, hécatombe... Et pour finir, l'aborption forcée des pouvoirs de la Triade Guerrière, trois divinités pétrifiées qui, incapables de départager leur puissance lors de la très lointaine Guerre des Magi, finirent par neutraliser leurs pouvoirs d'un regard éternel posé sur deux divinités chacune.

 

Pour empêcher que l'empereur ne récolte encore plus de magie et ne provoque un cataclysme planétaire en déplaçant les statues, la troupe de héros se retrouve sur un îlot flottant qui possède toutes les caractéristiques d'un donjon final : un décor singulier, des combats difficiles, une succession de boss à terrasser (Orthros, Typhon, Ultima Arma...) et un méchant empereur avide de pouvoir accompagné de son bouffon magicien qui les attendent au sommet de l'énorme monceau de terre volant après d'éprouvantes confrontations épiques. Et pourtant, cette conclusion prévisible n'arrive pas et n'arrivera jamais.

 

Comme Pierre Maugein le décrit dans son ouvrage La Légende Final Fantasy VI (disponible chez Third Éditions), "le langage classique du RPG bégaye" : Kefka tue l'empereur Gestahl, déplace les statues divines et provoque l'Apocalypse devant les yeux des héros qui, aussi impuissants que le joueur, se retrouvent emportés par le souffle d'explosions terrifiantes qui font frémir la Terre et déplacent les continents.

 

Le Monde de l'Équilibre cède sa place au Monde des Ruines, le groupe est divisé, le désespoir guette n'importe qui et l'antagoniste principal, désormais capable de pouvoirs effroyablement destructeurs grâce à l'acquisition de la Triade Guerrière, règne en maître suprême au sommet d'une immense tour créée à partir des débris de la capitale impériale.

 

Mais ce game over évident n'en est pas un, car là encore, "le langage classique du RPG bégaye".

 

 

 

 

Perte

 

 

Incarnant tout d'abord Celes dans ce nouveau Monde des Ruines, le joueur entrevoit une Terre drastiquement métamorphosée depuis la petite île où elle et Cid, sa seule figure paternelle, sont isolés, accablés par leur nouvelle condition. Le bleu du ciel a laissé sa place à des teintes rougeâtres, le thème musical de la carte du monde, dont les notes sont d'habitude calquées sur le thème de Terra, est remplacé par l'inquiétant Dark World, et les habitants de ces terres meurtries par la Lumière du Jugement sont sujets aux actes les plus effroyables qu'est capable l'Homme dans son désespoir le plus profond. Cid étant entre la vie et la mort, Celes n'échappe pas à ce sombre sentiment et tente tant bien que mal à sauver son père adoptif. Pour se faire, le joueur, aux commandes de la désormais fragile jeune femme, doit attraper des poissons frais (et rares) et les amener à l'ex-scientifique afin qu'il reprenne des forces.

 

Ainsi, deux alternatives s'ouvrent : Celes réussit à guérir Cid qui lui demande aussitôt de prendre le radeau qu'il a soigneusement préparé et dissimulé avant qu'il ne tombe d'épuisement, soit elle échoue et, se sentant seule au monde, se jette du haut d'une falaise. La tentative de suicide échoue mais avant qu'elle ne puisse se lamenter après une scène aussi dramatique et tristement poignante, un oiseau blessé entouré d'un bandana lui rappelle Locke, une personne pour qui elle éprouve des sentiments forts et sincères. Elle retrouve un peu d'espoir et, retournant fébrilement au chevet de son père, découvre une lettre de ce dernier lui indiquant qu'il avait construit un radeau afin qu'elle puisse s'échapper de cet endroit un jour. Dépendant de nos actions, le sort de Cid renforce l'immersion du joueur dans un univers cohérent, ainsi que son implication dans celui-ci : si l'on peut sauver Cid, on peut protéger d'autres personnes perdues dans cette ère obscure.

 

 

Vaillamment, Celes et le joueur prennent la mer et retrouvent les frères Figaro, Edgar et Sabin, ainsi que Setzer qui, non pas sans douleur, déterre et redémarre l'aéronef de sa défunte bien-aimée, Daryle : le Faucon. Ensemble, ils s'envolent au-dessus d'un monde méconnaissable où, sûrement, leurs amis les attendent.

 

C'est à partir de ce moment précis que Final Fantasy VI dévoile tout son génie et se démarque des précédents épisodes de la série, des suivants, de ses confrères J-RPG et des jeux vidéo, anciens comme actuels, usant de l'habile atout du monde ouvert.

 

Offrant dans sa première partie plusieurs scènes cachées au joueur qu'il lui fallait découvrir en incarnant tel(s) personnage(s) ou tel(s) personnage(s) à tel(s) endroit(s), le jeu décide d'approfondir sa notion de liberté dans sa seconde moitié où seul le désordre règne. En effet, le joueur peut parcourir le Monde des Ruines avec le Faucon s'il en a envie afin de retrouver des environnements familiers à des endroits totalement différents (comme d'anciennes villes ravagées, des donjons un poil changés, etc.), de continuer implicitement des quêtes secondaires qui, très probablement, mèneront le joueur et son groupe vers leurs amis qui, pour la plupart, continuent de se battre pour eux-même et pour les autres. Ainsi, Terra s'occupe de nombreux enfants avec un jeune couple alors qu'ils sont régulièrement attaqués par un monstre appelé Humbaba ; Cyan, isolé au sommet d'une montagne entourant la ville malfamée de Zozo, envoie régulièrement des fleurs de soie confectionnées par ses soins à une dénommée Lola de Maranda, suivies de missives où il se fait passer pour son fiancé disparu ; Strago rejoint désespérément les rangs du récent Culte de Kefka au pied de la nouvelle Tour des Fanatiques, vidé de toute sa psyché, persuadé que sa petite fille Relm est partie à jamais, etc.

 

Même s'il est tout à fait possible de rejoindre le donjon final avec seulement les quatre personnages obligatoirement recrutables, retrouver ses amis, les aider et conclure au mieux chacune de leur quête personnelle est gratifiant, aussi bien ludiquement qu'émotionnellement. Le manque de repère dans ce monde ravagé par la folie d'un homme devenu dieu participe à créer l'attachement aux choses supposées perdues. Ainsi, le joueur se réapproprie doucement les décors et fait face aux ruminations, aux incertitudes et à la dépression des personnages si tant est qu'il s'en est préoccupé un minimum dans la première partie du jeu. Les personnages qu'il sauve retrouvent progressivement de l'ordre et de la clarté dans leur esprit et créent l'Espoir — une graine pour des lendemains meilleurs.

 

 

 

Modèle

 

 

De son côté, Kefka continue sa vie en solitaire, reclu au sommet d'une gigantesque tour, acclamé comme un dieu, craint par les habitants de ce monde sans repère qu'il a finalement formé à son image.

 

Dans la première partie du jeu, alors que les héros infiltrent Vector, il est possible d'entendre un simple personnage non joueur parler du bras-droit de l'empereur :
"Ce type, Kefka ? Il a été la première expérience de Chevalier Magitech de Cid. Mais la méthode n'était pas encore parfaite. Quelque chose s'est brisé en lui ce jour-là..."

 

Il s'agit du seul indice quant au passé de Kefka Palazzo. Pas de flash-back, pas de discours grandiloquent pour exprimer ses origines, rien. Kefka est un être humain qui, comme probablement beaucoup d'autres, a malheureusement mal tourné à cause des expériences de l'Empire. Depuis lors, il se retrouve dans un monde qu'il ne comprend pas et qui ne semble visiblement pas le comprendre non plus. Ce qu'il souhaite, c'est détruire toujours et encore plus ces choses incompréhensibles, et il s'en donne généralement à cœur joie. Ses actes paraissent irréfléchis et absurdes, mais il est méticuleux, malin et agi quand il le faut pour arriver à ses fins destructrices (pour rappel, il a toujours un coup d'avance sur la Résistance). Malgré tout, il demeure puéril et capricieux, comme lorsqu'il incendie le château de Figaro, presque sur un coup de tête, persuadé que Terra y est cachée (il n'a aucune preuve mais il a pourtant raison), ou quand, tout de suite après, il insulte les héros qui s'échappent de son emprise enflammée qu'il croyait parfaite.

 


Dans Dissidia Final Fantasy, un spin-off exclusif à la PlayStation Portable regroupant plusieurs héros et antagonistes de la saga fidèlement réécrits pour des mêlées tactiques et épiques en versus, Terra et Kefka échangent (à la cutscene n°117) :
"
Ça suffit ! Tout ceci n'a aucun sens.
— La destruction est une aberration totale ! Mais c'est justement parce que ça n'a pas de sens que c'est drôle ! À quoi bon créer si tout va disparaître et s'accrocher à la vie si l'on doit mourir ? Le jour de ta mort, tout ceci n'aura jamais rien représenté. [...] La destruction... C'est ce qui donne un goût à ma vie !
— [...] C'est ton cœur brisé... que tu essaies de remplir de destruction..."

 

Kefka ne pense jamais aux conséquences de ses actes et rejette constamment les personnes qui se mettent en travers de son chemin tortueux (Léo, Gestahl, les quatorze personnages jouables...) : il reste dans sa bulle et élimine violemment tout ce qui ne lui correspond pas — tout ce qu'il ne comprend pas. Son incompréhension vis-à-vis des sentiments humains le rend immédiatement détestable auprès de tous, mais additionnée à son maquillage de clown (sont dessinés un sourire et des larmes sur son visage) et à son cultissime rire, on saisit la triste profondeur de ce fascinant énergumène. On comprend que l'on a bel et bien à faire à un être humain abusé qui a tout perdu et que l'on a tenté de guérir uniquement par gâterie en lui offrant de quoi assouvir ses désirs de violence avec haine et impulsion.

 

Bouffon assassin dans la première moitié du jeu et dieu ravageur tout puissant dans la seconde, Kefka modèle le monde entier à l'image de sa psyché torturée : perdu, sans repère, saccagé. L'immense tour de laquelle il toise le Monde des Ruines, elle, symbolise évidemment son ascension divine, mais pas que.

 

Alors que les héros font enfin face à un Kefka métamorphosé à la fin du jeu, l'Ange de la Destruction prend la parole en descendant lentement des cieux rayés par une éblouissante lumière :
"
Rêves, espoir... D'où viennent-ils ? Et que deviennent-ils..? Ces choses dépourvues de sens... Je vais toutes les détruire !"

 

 

 

Entre-deux

 

 

Dressée par la magie du surpuissant clown là où se tenait anciennement Vector, la Tour de Kefka, originalement appelée "Gareki no Tô" au Japon, traduisible par "Tour de Décombres", propose une architecture forcément déconstruite et quelque peu absurde, mais qui mérite notre attention.

 

La Tour de Kefka selon Yoshitaka Amano, illustrateur phare de la série Final Fantasy.

 

Pour commencer, l'imposant monument ne possède pas d'entrée. Les héros sont effectivement obligés de s'y rendre par les airs en atteignant trois points culminants différents sur lesquels le groupe se sépare. La tour est visiblement composée d'anciens morceaux de la capitale, reconnaissables grâce aux très nombreux débris métalliques (tuyaux, escaliers, etc.) à peine enfouies dans les parois extérieures, ainsi qu'aux pièces du palais impérial et aux diverses salles de laboratoires à l'intérieur de la tour, là où, d'ailleurs, certaines machines sont encore fonctionnelles (et parfois dangereuses). La structure gigantesque est également constituée de terre et de roches parfois creusées par des cavernes.

 

La présence de ce mélange plutôt hétérogène entre nature et technologie s'accentue lorsque l'on s'attarde sur le bestiaire de ce périlleux donjon final. À l'extérieur, on affronte uniquement des monstres dont la majorité rappelle des créatures d'un autre temps — des bêtes préhistoriques (le Behemoth et sa royale forme bestiale, le quasi-diplodocus Primeval Dragon, le reptilien Vector Lythos...), tandis qu'à l'intérieur, on retrouve non sans surprise des machines, dont certaines ont récemment été créées par Kefka afin d'empêcher les intrus d'approcher de son perchoir, mais également des êtres humanoïdes, le plus surprenant étant très probablement Cherry (ou Madam selon les traductions anglaises, son nom original étant Virginity), un ennemi récurrent du donjon qui prend l'apparence d'une jolie femme qui, tout en crachant la fumée de sa cigarette, est capable de lancer de puissants sortilèges.

 

Ce contraste assez saisissant entre l'espace extérieur et l'intérieur de la Tour de Kefka permet de définir un peu plus précisément ce que représente ce titanesque monument autrement que la psyché torturée de son puissant créateur — comme un énième élément d'un monde à son image — ou son ascension divine. L'édifice symbolise une transition entre deux états, entre deux ères, voire entre deux mondes où seule la survie des plus forts prévaut. La Tour de Kekfa est un lieu où toutes les créatures les plus féroces, intelligentes comme primitives, vouées à disparaître ou disparues, sont les bienvenues afin d'ouvrir une porte plus béante encore vers une nouvelle structure chaotique (aussi achevée qu'anéantie à la fin du jeu en raison de son sens abstrait) : "un monument à la non-existence".

 

Voici le plan détaillé des zones explorables de la Tour de Kefka. En réalité plutôt dirigiste, ce donjon arrive malgré tout à faire tourner la tête.

 

 

 

Ire

 

 

Selon Pierre Maugein dans son livre La Légende Final Fantasy VI (que je vous recommande bien évidemment, ne serait-ce que pour lire des analyses différentes et/ou complémentaires sur Final Fantasy VI), la fin du monde serait une nécessité environnementale (cf : Chapitre IV – Thématiques et analyse du scénario du même ouvrage) suite à l'épuisement de son énergie vitale — la magie, et Kefka serait quant à lui l'accélérateur du processus de la destruction de la planète. Pertinente, cette analyse peut être additionnée à une autre afin de mieux comprendre encore Kefka et son monument — son combat.

 

Avant que Kefka ne gouverne la Terre en déplaçant les statues de la Triade Guerrière, lui et Gestahl descellèrent le portail menant au monde des chimères, mais lorsque ces dernières en sortirent dans une immense nuée, elles submergèrent les terres alentours avant d'attaquer Vector, berceau de la technologie et principal centre de torture des êtres magiques. Premièrement aperçu comme un assaut vengeresque par les personnages et le joueur, la chimère Yura réfute et explique aux héros que les êtres mystiques deviennent impulsifs et incontrôlables dès lors qu'ils entrent en contact avec le Monde de l'Équilibre. Même à moitié chimère, Terra connaît le même traîtement lorsqu'elle découvre sa véritable nature. D'ailleurs, la jeune magicienne est également capable de ressentir la douleur de la Terre lorsque celle-ci est menacée par Kefka et l'empereur alors dangereusement près de la Triade Guerrière.

 

Après avoir subi les premières expériences du docteur Cid consistant à injecter l'énergie magique puisée des chimères dans un corps humain afin d'en faire un Chevalier Magitech, Kefka est devenu fou et avide de destruction, aussi impulsif et incontrôlable qu'une chimère lâchée dans le Monde de l'Équilibre. Ainsi, si l'ire des chimères symbolise la nature se manifestant violemment contre un peuple qui la surutilise à ses fins, Kefka évoque inévitablement la nature primaire qui souhaite reprendre l'intégralité de ses droits sur le monde, quitte à le détruire, afin d'y ramener l'Équilibre et la Vie (d'ailleurs symbolisée à la fin du jeu par la naissance de l'enfant de Duan et Katrin, le jeune couple de Mobliz qui, avec Terra, gardait les orphelins du hameau saccagé suite à l'Apocalypse).

 

Celes pénètre la Tour de Kefka — Glorification de l'abstraction et de l'insensé, par Greed Lavare.

 

 

Longtemps laissée à l'abandon malgré les maigres connaissances des Hommes à son sujet, la magie opère son rôle primordiale : conserver ce qui fait la Vie.
Ainsi, il n'est pas étonnant de voir deux volontés distinctes se créer dans le camp des êtres magiques : la préservation du côté de Terra (et des rebelles), enfant métisse naturellement destinée à utiliser l'énergie de la planète, et la destruction de celui de Kefka, un humain dont les capacités magiques lui ont été attribuées artificiellement.
Au final, ces deux visions sont deux phases d'un même processus et la fin de Final Fantasy VI tend à nous le prouver : le monde est passé d'un faible Équilibre aux Ruines, plongeant ses habitants ruminants et déprimants vers un avenir insensé, incertain et chaotique. Mais c'est parce qu'ils ont perdu tout repère qu'une certaine liberté salvatrice s'est ouverte à eux, celle-ci leur ayant permis de trouver, d'essayer et de créer de nouvelles voies avant de changer à leur tour ce monde encore muni de valeurs en le transformant en un nouveau lieu prospère où tout est à refaire sans magie.

Quant à la Tour de Kefka, sorte de mise en abyme du désespoir, elle est l'un des éléments perturbateurs utiles à la compréhension du monde, de l'équilibre des forces et de la valeur des choses et permet le combat contre la dépression, aussi bien pour les héros que pour le joueur grâce à ses attraits ludiques.

 

Bref ! Interprétez !

 

Note des membres

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